Le fiasco de la politique solaire au Maroc

Mise à jour du 22 mars 2016: du nouveau depuis la publication de cet article en novembre 2013? Oui, toujours les mêmes qui s’enrichissent, le Saoudien de Acwa Power pour sa centrale de Ouarzazate, et les régies à gestion déléguée qui s’en mettent pleins les poches; le reste de la population se bat. Bonne lecture.

Suite à l’augmentation vertigineuse du prix du pétrole en 1973, passé en quelques mois de 3 à 12 dollars le baril, soit 400% d’augmentation, l’occident cria au scandale, et le slogan “Les Arabes ont du pétrole, mais nous, on a des idées.” fit son apparition.  Ce cri de ralliement fut repris en chœur par toutes les chaines de télévision européennes, qui le répétèrent sans cesse pendant plusieurs années.

40 ans après, je peux dire que nous, les Marocains, Arabes, nous n’avons ni le pétrole ni les idées.

Au Maroc, en 2012, la facture énergétique se chiffre à la somme de 103 milliards de dirham, accaparant près de 26% du total des importations (cf. La vie économique du 06.10.2012). La consommation est en progression constante, oscillant entre 8% et 11% par an, et la production locale est insuffisante : on importe d’Espagne environ 18% de notre électricité.

Le graphique ci-dessous (source : Ministère de l’Energie et des Mines), montre la progression vertigineuse de la consommation et on peut y remarquer l’absence totale de la production d’énergie solaire.

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Face à une telle situation, je lancerai un appel urgent à toutes les sources d’énergies locales, notamment solaires et éoliennes, afin de stopper l’hémorragie.

Qu’ont fait nos gouvernements successifs ?

Rien, ou pas grand-chose, ayant fait plus dans la communication que dans l’action à proprement parler. Exemple : ‘’ grâce au plan Desertec, le Maroc va alimenter l’Europe en électricité’’, ‘’ Solar impulse a choisi d’atterrir au Maroc grâce à son engagement solaire’’ etc.

Le fait est que le Maroc s’est lancé, à grands frais, dans l’aventure de la centrale thermo-solaire de Ain Tamthar, qui a besoin non pas de solaire pour fonctionner, mais de gaz Algérien (cf. le documentaire d’Euronews: Maroc: le soleil, manne énergétique).

Un deuxième projet est celui de la centrale solaire, dite thermodynamique, de Ouarzazate, CSP Central solar power plant, confiée à un groupe privé Saoudien, ACWAPOWER, à qui l’état s’est engagé à acheter de l’électricité pour les 25 prochaines années, certainement à prix d’or. Cette centrale a la particularité d’utiliser des panneaux solaire hémicylindriques, issus des nouvelles technologies allemandes, qui se salissent et ont besoin d’être lavés fréquemment ; la centrale est donc une grande consommatrice d’eau, et va épuiser la nappe phréatique de Ouarzazate.


Mise à jour du 22 mars 2016:

  • Il s’avère que l’Etat achète l’électricité au prix exorbitant de 2 dh le kw, pour le revendre à perte à l’ONE au prix de 1.20 dh
  • En plus des problèmes evoqués ci-dessous liés aux panneaux, ceux-ci ont besoin de moteurs pour tourner, et disposent d’une autonomie d’à peine 2 heures.

Voilà comment le gouvernement pense répondre aux besoins énergétiques des Marocains.

Nous sommes en 2013, la technologie aujourd’hui permet tout : et si on faisait appel aux citoyens pour qu’ils produisent leur propre électricité ?

A côté de votre antenne de parabole, vous aurez des panneaux solaires, qui vous donneront de l’énergie gratuitement et allégeront la facture d’importation de pétrole…

Il ne faut pas rêver, c’est interdit au Maroc, le monopole de distribution d’électricité appartenant à l’ONE et à des distributeurs privés tels que la REDAL , LYDEC, AMENDIS, etc. Une mine d’or qui rapporte des milliards de dirham et dont ils n’ont pas envie de se priver. Si d’aventure vous faites comme moi, monter en cachette vos panneaux solaires à la terrasse, sachez que vous êtes dans l’illégalité totale ; par ailleurs l’état s’est déjà servi à la douane en les taxant à 20% pour la taxe douanières et à 20% pour la tva, soit 40% ; pour les autres accessoires, comme l’onduleur ou les batteries, les taxe peuvent atteindre 60%, de quoi dissuader le plus écologiste d’entre vous.

Pour nous, distributeurs et installateurs de pompes à énergie solaire, les taxes de l’état ont rendu nos produits très chers, ainsi que pour les petits paysans ; malgré cela, les ventes ont progressé surtout au début de l’année 2013. En avril 2013, le gouvernement annonce, dans la précipitation, qu’il va les subventionner jusqu’à hauteur de 50% ; tout le monde applaudit ‘’cette initiative généreuse’’ et les commandes affluent. Quand les paysans vont demander cette fameuse aide à la DPA, organisme censé la financer, cette dernière annonce n’avoir reçu aucune instruction de son ministère de tutelle. Comme d’habitude, c’est le flou total, les commandes passées par nos clients sont reportées afin de bénéficier de cette subvention, tout le monde attend, et les rumeurs circulent comme quoi il faut être pistonné pour que le dossier soit accepté par la DPA. Devant les protestations des paysans et des professionnels en date du 19.06.2013, une conférence de presse commune est organisée à Rabat par les ministres de l’Agriculture et de l’énergie et des mines afin, dit-on, ’’d’éclairer l’opinion publique sur les subventions en matière de pompes d’irrigation à l’énergie solaire.’’

Nous apprenons, au cours de cette conférence de presse et de la bouche du ministre de l’Energie et des Mines, enveloppé dans son costume 3 pièces, les bienfaits du pompage solaire, ‘’écologique, fiable, ne consommant pas de pétrole, générateur d’emploi », raisons pour lesquelles «  le gouvernement espère finaliser cette aide vers la fin de l’année. » Nous apprenons aussi qu’il y a du soleil au Maroc (merci pour le scoop) et que « nous recevons l’équivalent de 5 kWh par mètre carre », cette dernière citation étant destinée à ceux qui ont le bac +7 car nos paysans sont analphabètes à 90%.

En réalité, l’Etat n’a pas d’argent, et s’il y aura subvention, ce sera pour le budget de 2014. La question est donc : pourquoi avoir annoncé une année à l’avance que vous alliez subventionner l’achat de pompes à énergie solaire ?

Les conséquences d’une telle déclaration sont incalculables, on a du mal à imaginer les pertes engendrées par l’arrêt des projets de toute une nation pour une durée d’une année ; tous les investissements sont en stand-by en attendant le feu vert de la subvention : on a trouvé le moyen de stopper carrément une économie déjà boiteuse, alors que les gens achetaient avec leur argent.

A l’instar du monde arabe en hibernation, ici le temps n’a aucune importance, on fait du sur-place, on attend, comme l’a assez bien dit le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi : « il ne faut surtout pas rater l’heure du couscous le vendredi » (Tel Quel du 28.02.2012). En d’autres lieux où la devise est ‘’ time is money’’, le responsable d’un tel fiasco aurait été congédié.

Si d’aventure vous installez aujourd’hui votre pompe à énergie solaire, les textes sont clairs, vous n’aurez aucune aide, il faudra attendre l’année prochaine et la très fameuse double visite, avant et après installation, des inspecteurs de la DPA chargés de vérifier la réalisation, et autres lourdeurs administratives. Impossible de faire pire.

Cette prétendue subvention au “Maroc vert” est une pratique héritée des économies planifiées, digne de l’époque de l’Union Soviétique : on instaure des taxes douanières, exorbitantes, on y ajoute la TVA et on s’attribue le rôle de distributeur généreux de subventions avec une multitude de fonctionnaires, des dossiers, des attestations de tout genre, souvent sources de corruption : on met des bâtons dans les roues de ceux qui travaillent, Fidel Castro ne fait pas mieux. Aider le solaire et les agriculteurs ? C’est simple : supprimer les taxes en tout genre, permettre aux gens d’avoir leur générateur solaire sur le toit, que l’ONE achète le surplus qu’ils produisent et gardez vos subventions et fonctionnaires bureaucrates. C’est un vœu pieu qui va au-delà du fameux slogan, nous n’avons ni le pétrole ni les idées.

M’barek El Fadil

https://elfa-solaire.com