Subventions aux agriculteurs utilisant les pompes à énergie solaire en remplacement du diesel : infos et intox
J’étais à Meknès ce jour-là, le 23 Avril 2013, devant sa Majesté et l’invité d’honneur le président Gabonais et toutes les têtes chauves que compte le Royaume. Une convention d’aide aux pompes d’irrigation à énergie solaire a été signée par cinq responsables des ministères de l’Agriculture, de l’Energie et des Mines, de l’Economie, de l’ADEREE et de la Banque du Crédit Agricole. C’était féerique, le lieu magnifique. Salle bien décorée, tapis, micros sur table, cameras de télévision, journalistes, photographes et la qualité de tous ceux qui ont été présents ce jour-là montre que l’annonce de cette convention d’aide aux pompes à énergie solaire revêt une importance nationale.
Le montant d’aide annoncé est de 15 000.00 Dh par hectare limité à un plafond de 75 000.00 Dh. L’idée sous-jacente est qu’en finançant une partie de l’achat de la pompe à énergie solaire, les exploitants agricoles vont abandonner l’utilisation de la bouteille à gaz, subventionnée par la caisse de compensation à hauteur de 50%. Il s’en est suivi un discours fleuve d’environ 45 minutes par notre ministre de l’Agriculture. C’est du sérieux. Et ce dernier d’étaler les réalisations de son ministère, l’économie de millions de mètres cube d’eau, lancer des études en tous sens et de citer les aides accordées aux agriculteurs qui vont du creusement d’un puits au goutte à goutte, en passant par la filière caprins, bovins, ruches pour abeilles et une grande liste qui n’en finit pas, tout en citant des chiffres invérifiables, et en lançant ce genre de slogan, qu’on aime beaucoup : «Le Maroc est le 1er Pays Arabe et Africain exportateur de légumes au Canada et en Russie». L’assistance acquiesce, nous somme vachement fort. En un mot, notre ministre peut, pour peu, venir bûcher votre jardin. Je l’avoue, je n’ai pas tout suivi de son discours, car passé les dix premières minutes, mon attention s’est relâchée, j’ai donc vaqué à d’autres préoccupations, tout en feuilletant un magazine qui vantait les promotions des hôtels, all inclusive à Agadir. J’ignore le temps de mon hibernation… Soudainement, cette relaxation a été interrompue par un tonnerre d’applaudissements et notre ministre, félicité pour son « grand discours », est descendu de son perchoir, serrant les mains à droite et à gauche. Tout le monde était content, nous allons enfin sortir du sous-développement et pour fêter tout ça, l’affaire s’est terminée par un diner Royal, offert au Sahrij Souani (Voir MAP28.Avril 2013).
18 mois plus tard, je peux vous dire que ce n’était qu’une pièce de théâtre bien orchestrée. Les 15000 Dh par hectare promis n’était qu’un poisson d’avril et les pauvres agriculteurs qui ont cru ces discours bidons ont en payé les frais car tous leurs projets d’équipements en pompes solaires ont été stoppés depuis 18 mois en attendant cette fameuse « aide ».
Vous n’avez pas besoin de faire Science Po pour comprendre le désarroi des fermiers devant un tel dilemme : acheter aujourd’hui sa pompe à énergie solaire, mais c’est abandonner les 15 000 dh par hectare promis par l’état, ou attendre encore, mais jusqu’à quand, alors qu’on est en attente depuis 18 mois déjà… Les Marocains sont adultes, on peut aisément comprendre que le Gouvernement n’a pas les moyens financiers pour de tels projets. Pourtant, il a reçu plus de 700 millions d’euros d’aide à l’agriculture de l’Union Européenne depuis 2009 (Aujourd’hui le Maroc 09.12.13), et plus récemment, au mois d’août, toujours pour l’agriculture, une aide du Qatar de 136 million de dollars ( Yabiladi le 26.08.2014). Et les rumeurs, selon lesquelles cette manne sert à financer des projets tape à l’œil, genre eau chaude dans les mosquées (sources 24hinfo.ma le 08.04.2014), ou le festival de Mawazine, vont bon train. Car, même étant actuellement sous un gouvernement de barbus, force est de constater que le charme de SHAKIRA ne laisse personne indiffèrent.
Ce faisant, les responsables politiques montrent le peu de considération qu’ils portent envers les attentes de la population. Ici tout va bien, personne ne veut annoncer de mauvaise nouvelle quelles qu’en soit les conséquences, on risque d’en être tenu comme responsable. Nous sommes au pays du « y’a pas de mouchkil », et tant pis pour la population qui ne peut pas prendre les décisions souhaitables pour ses entreprises. Devant ce tableau sombre, je dois être honnête : j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. En date du 25 octobre 2014, le portail électronique gouvernemental « menara.ma » vient d’annoncer une subvention aux pompes à énergie solaire d’une enveloppe totale de 400 millions de dhs pour le budget 2015. Mauvaise nouvelle : le même site avait lancé la même information le 17 juin 2013 pour le budget 2014 ! Dans un pays où la parole donnée n’a aucune importance, je vous donne un conseil : si les services de la météo vous annonce une belle journée ensoleillée, prenez votre parapluie !
Pour ceux d’entre vous, les plus téméraires, qui veulent obtenir de «l’aide », pas pour le solaire, mais, par exemple pour le goutte à goutte, les plantations, etc, voici ci-dessous la longue liste des documents qu’il vous faudra fournir à la Direction Provinciale de l’Agriculture (DPA). Armez-vous de patience et faites le « nécessaire » si vous voulez que le dossier avance.
Constitution du dossier de demande de l’aide financière
(Voir le site : www.agriculture.gov.ma)
Projets d’irrigation localisée ou de complément
i – Demande d’approbation préalable
Avant la réalisation du projet d’irrigation pour l’aménagement des propriétés agricoles en systèmes d’irrigation localisée ou de complément, le postulant dépose un dossier de demande d’examen du projet d’irrigation, en double exemplaire, auprès du Guichet Unique de la DPA. Ce dossier comprend Les pièces suivantes :
• Une demande d’approbation préalable.
• Une copie certifiée conforme à la CIN du postulant.
• Une copie certifiée conforme des statuts et des documents juridiques désignant les personnes habilitées à agir en leur nom.
Pour les personnes morales.
• Les pièces justifiant le lien juridique du postulant avec la propriété support du projet.
• Le dossier technique du projet, qui doit comporter les éléments suivants :
– Une note de calcul du projet.
– Un plan détaillé de l’installation à une échelle appropriée.
– Les devis estimatifs des équipements, des matériels et aménagements.
– L’engagement du fournisseur à se conformer dans le cas des projets d’irrigation localisée aux dispositions prévues dans le cahier de charges objet de la Norme Marocaine n° 12.1.100-2007 (installation d’irrigation localisée-Exigences générales).
– Les bulletins d’essais des performances hydrauliques des compteurs, des organes d’arrosage et des tuyaux en chlorure de polyvinyle (PVC) et en polyéthylène (PE) prévus par le projet (gaines avec goutteurs incorporés, goutteurs, ajutages calibrés, micro-jets, mini-diffuseurs et asperseurs) délivrés depuis moins de deux ans, par le Service des Expérimentations, des Essais et de la Normalisation du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime.
– Les catalogues des groupes de pompage et des filtres prévus par le projet.
• Pour les projets de reconversion des systèmes d’irrigation existants alimentés en eau en totalité ou en partie à partir d’une ressource d’eau pour laquelle l’autorisation de prélèvement d’eau est exigible au sens de la loi n° 10-95 sur l’eau :
– Soit l’autorisation ou la concession d’utilisation du domaine public hydraulique pour l’irrigation quand les points d’eau sont dûment autorisés.
– Soit une copie de la demande de régularisation du point d’eau avec justificatif de dépôt auprès de l’autorité compétente.
– ou à défaut une déclaration de prélèvement d’eau dûment signée par le déclarant et légalisée quand les points d’eau existants ne sont pas encore autorisés.
• Pour les nouveaux projets ou les projets d’extension de l’irrigation qui requièrent de nouveaux prélèvements d’eau et alimentés en eau en totalité ou en partie à partir d’une source d’eau pour laquelle l’autorisation de prélèvement d’eau est exigible au sens de la loi n° 10-95 sur l’eau, une autorisation ou concession relative à l’utilisation du domaine Public hydraulique.
Vous êtes arrivé jusque ici, sans trop de dégâts et en combien de mois ?! Ne criez pas victoire, ce n’est pas fini ! Il faut que le dossier soit approuvé et comment… ???
Vous avez reçu la double visite des inspecteurs, avant et après installation. Le « nécessaire » a été fait, le dossier approuvé, il vous faut encore les pièces suivantes :
i – Demande de subvention
Après la réalisation du projet d’irrigation, le postulant dépose auprès du Guichet Unique un dossier de demande de subvention, en double exemplaire. Ce dossier comprend les pièces suivantes :
• L’attestation d’approbation préalable délivrée par le Guichet Unique.
• Une demande de subvention.
• Les factures définitives détaillées pour les ouvrages, équipements et aménagements réalisés et, le cas échéant, des mémoires relatifs aux travaux de terrassement des tranchées et de creusement de puits, réalisés par les moyens propres de l’agriculteur.
• Un acte d’engagement du postulant à conserver l’investissement et le maintenir en bon état fonctionnel, pendant au moins cinq (5) ans, à compter de la date du constat de réalisation des travaux.
« Le constat de réalisation des travaux » a finalement été délivré par les redoutables inspecteurs, il s’est passé un an depuis le début de vos démarches. Vous connaissez tous les fonctionnaires par leur prénom, il ne manque plus aucune virgule à votre dossier, mais il vous faudra attendre encore un an et demi, en moyenne pour vous faire payer. Bravo « vous avez gagné ! »
Conclusion, il est sidérant de constater que sous différents gouvernements et ministres, aucun d’entre eux n’a pensé à réformer le système dit « d’aide à l’agriculture ». Combien cette aide a-t-elle coûté aux paysans, en temps et en monnaie sonnante et trébuchante ? Pour les soixante-huitards, non actualisés, qui sont aux commandes aujourd’hui, il est temps d’admettre que «plus l’état intervient, plus les citoyens s’appauvrissent ». Ceux qui s’enrichissent grassement sont ceux qui ne produisent rien, c’est-à-dire des courtiers, des bureaux d’études et des fonctionnaires corrompus. Ceux qui en sont victimes sont ceux qui produisent et enrichissent le pays : des fermiers.
M’Barek Elfadil.
Elfa-solaire
08.11.2014