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Agroécologie au Maroc – visite du Jardin de Zineb

Il est des endroits, des situations et des personnages qui ne vous laissent pas indifférent.

Cette fois-ci, l’équipe de Elfa-solaire a été attirée dans « le jardin de Zineb », à 25 km de Rabat en direction de Meknès, vers Arbaa Shoul, où se trouve un jardin agro-écologique de 2.5 ha.

Il est conduit par Zineb Benrahmoune Idrissi, adepte de permaculture, personnage hors du commun : cela fait 15 ans qu’elle met son énergie au service de ce jardin biologique. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, elle est professeur botaniste et écologiste convaincue, à mi-chemin entre la sagesse de Pierre Rabhi et la révolte de José Bové.

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A l’écoute de la Nature…

« La terre dit-elle, il faut la protéger et la respecter, c’est elle qui nous nourrit. Ce que vous lui donnez, elle vous le rend, elle est vivante et généreuse. Malheureusement la terre est actuellement malmenée, beaucoup d’acteurs en profitent, la saccagent, la détruisent par l’utilisation des produits chimiques à outrance, insecticides, pesticides, elle est empoisonnée, et une partie de ce poison est restituée à l’homme ». Rendez-vous compte :selon l’OMS (Globocan 2012), le nombre de cancers a augmenté de 90% entre 1980 à 2005 , ajoutez à cela les maladies chroniques, les allergies, les hépatite B,C…L’être humain creuse petit à petit sa propre tombe. N’oubliez pas que l’on devient ce qu’on mange.»

Voyez-vous, ce que vous mangez est empoisonné, votre tomate n’a aucun goût, elle est dopée pour paraître jolie mais elle est insipide.

Nous marchons dans le jardin puis elle prend une poignée de terre dans sa main « Regardez comment la Terre doit être : vivante!». J’ai vu, elle est noire, humide, composée d’herbe, de paille, de fumier, de branches de ligneux coupées, le tout composté. Ce compost qui donnera un sol vivant, les plantes en demande! j’ai vu les laitues produites naturellement, elles sont d’un vert éclatant, j’avais envie de passer à table tout de suite; les carottes, les navets, les oignons, les oranges, …traités en bio, ont des couleurs, des odeurs et bien sûr un goût très différents!

Zineb a développé des techniques naturelles pour éviter divers parasites. Dans des barils : elle mélange des plantes avec de l’eau, laisse macérer pour en pulvériser la surface touchée. «La nature a tout prévu, il faut juste l’écouter et appliquer’’. Même les parasites vivent en harmonie dans son jardin. Elle a également trouvé une solution pour épurer les eaux usées grâce à des plantes absorbantes. De plus, aucun engin mécanique, à part un petit broyeur, n’est utilisé dans son jardin. Pratiquement tout fonctionne manuellement.

Au bas de son terrain, elle a construit des petits barrages pour retenir l’eau. Au fil des années une végétation s’est développée qui sert de refuge aux oiseaux et à toutes sortes d’animaux sauvages. La fraîcheur y régnant vous donne l’impression d’être dans une « jungle » contrastante avec le « désert » alentour.

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Et si on se construisait un autre avenir ?

Femme singulière, elle est partout. Energique, elle a réussi, là où l’Etat a échoué, à faire abandonner à quelques paysans du nord la culture du kif pour la remplacer par l’agriculture biologique : tout un projet soutenu par une équipe associative locale a permis de mobiliser des restaurateurs et particuliers locaux pour acheter leurs produits.

Par ailleurs, le « Jardin de Zineb » est situé dans une zone desservie par L’O.N.E à des tarifs d’électricité préférentiels (zone rurale). Elle tient pourtant à installer une pompe à énergie solaire car, dit-elle, « c’est de l’énergie propre qui me permet d’être authentique et de rester en adéquation avec ma conception de la vie et de la nature». Nous autres, ‘’ gens normaux’’, on doit se rendre à l’évidence que, non seulement il y a des hommes et des femmes qui travaillent sans relâche pour nous assurer une nourriture saine, mais qu’en plus ils y mettent de leur argent pour ralentir la pollution de notre univers. Je me sens personnellement un peu coupable.

On remarquera aussi que, dans son jardin, ce n’est pas le kolkhoze, géré par l’état, ce n’est pas le kibboutz, financé par la diaspora. Elle pratique l’autogestion chère au Maréchal Tito ! Les fruits sont partagés entre les membres de l’équipe qui travaillent. Motivés, ils sont heureux, il n’y a pas de patron, elle-même dans sa combinaison de couleur verte est à l’œuvre.

Même notre collègue Adrien GARIN, qui en haut de ses 28 ans a déjà tout vu et qui a réponse à tout, concède enfin, après 2 jours passés à la ferme chez Zineb, qu’il vient de découvrir « qu’il y a des gens qui vivent heureux en harmonie avec la nature ». Quand on connaît le personnage, un tel aveu est une preuve de plus que l’écologie ne laisse personne indifférent 🙂

Le bonheur est dans le pré !

Vient alors le moment tant attendu, l’heure du repas, un repas très simple. C’est du « bio » évidement, le pain a un goût très spécial, les patates, la salade, les oignons ont une saveur qui vous laisse sans voix. Il faut faire durer le temps pour en apprécier chaque seconde, mais je suis comme un enfant devant ces délices de la nature !

A toutes et tous, je vous conseille d’aller découvrir ce monde et manger un repos « bio» au Jardin de Zineb (http://jnaneshoul.canalblog.com/). Si vous avez la chance de la rencontrer, vous porterez alors un autre regard sur votre assiette.

Un seul regret pour nous, sur ses 2.5 hectares, impossible de trouver une petite place dégagée pour y placer nos panneaux solaires : il y a des plantes partout ! Il a fallu faire venir un maçon pour bâtir un support de 2 mètres de haut pour sortir de l’ombre des arbres et les placer en vue du soleil.

Voici l’installation qui vient d’étre realisée à Souk Alhad

Voici l’installation qui vient d’étre realisée à Souk Alhad et donne au fermier une quantité d’eau de 220 m³ par jour.

En calculant ses économies en frais de disel, son installation est amortie en 26 mois de fonctionement et ne demande aucun entretien.

Je rappelle que les panneaux solaires ont une durée de vie de 25 ans, notre prochain rendez-vous de maintenance avec ce client est noté dans notre agenda pour octobre 2038 !

Le fiasco de la politique solaire au Maroc

Mise à jour du 22 mars 2016: du nouveau depuis la publication de cet article en novembre 2013? Oui, toujours les mêmes qui s’enrichissent, le Saoudien de Acwa Power pour sa centrale de Ouarzazate, et les régies à gestion déléguée qui s’en mettent pleins les poches; le reste de la population se bat. Bonne lecture.

Suite à l’augmentation vertigineuse du prix du pétrole en 1973, passé en quelques mois de 3 à 12 dollars le baril, soit 400% d’augmentation, l’occident cria au scandale, et le slogan “Les Arabes ont du pétrole, mais nous, on a des idées.” fit son apparition.  Ce cri de ralliement fut repris en chœur par toutes les chaines de télévision européennes, qui le répétèrent sans cesse pendant plusieurs années.

40 ans après, je peux dire que nous, les Marocains, Arabes, nous n’avons ni le pétrole ni les idées.

Au Maroc, en 2012, la facture énergétique se chiffre à la somme de 103 milliards de dirham, accaparant près de 26% du total des importations (cf. La vie économique du 06.10.2012). La consommation est en progression constante, oscillant entre 8% et 11% par an, et la production locale est insuffisante : on importe d’Espagne environ 18% de notre électricité.

Le graphique ci-dessous (source : Ministère de l’Energie et des Mines), montre la progression vertigineuse de la consommation et on peut y remarquer l’absence totale de la production d’énergie solaire.

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Face à une telle situation, je lancerai un appel urgent à toutes les sources d’énergies locales, notamment solaires et éoliennes, afin de stopper l’hémorragie.

Qu’ont fait nos gouvernements successifs ?

Rien, ou pas grand-chose, ayant fait plus dans la communication que dans l’action à proprement parler. Exemple : ‘’ grâce au plan Desertec, le Maroc va alimenter l’Europe en électricité’’, ‘’ Solar impulse a choisi d’atterrir au Maroc grâce à son engagement solaire’’ etc.

Le fait est que le Maroc s’est lancé, à grands frais, dans l’aventure de la centrale thermo-solaire de Ain Tamthar, qui a besoin non pas de solaire pour fonctionner, mais de gaz Algérien (cf. le documentaire d’Euronews: Maroc: le soleil, manne énergétique).

Un deuxième projet est celui de la centrale solaire, dite thermodynamique, de Ouarzazate, CSP Central solar power plant, confiée à un groupe privé Saoudien, ACWAPOWER, à qui l’état s’est engagé à acheter de l’électricité pour les 25 prochaines années, certainement à prix d’or. Cette centrale a la particularité d’utiliser des panneaux solaire hémicylindriques, issus des nouvelles technologies allemandes, qui se salissent et ont besoin d’être lavés fréquemment ; la centrale est donc une grande consommatrice d’eau, et va épuiser la nappe phréatique de Ouarzazate.


Mise à jour du 22 mars 2016:

  • Il s’avère que l’Etat achète l’électricité au prix exorbitant de 2 dh le kw, pour le revendre à perte à l’ONE au prix de 1.20 dh
  • En plus des problèmes evoqués ci-dessous liés aux panneaux, ceux-ci ont besoin de moteurs pour tourner, et disposent d’une autonomie d’à peine 2 heures.

Voilà comment le gouvernement pense répondre aux besoins énergétiques des Marocains.

Nous sommes en 2013, la technologie aujourd’hui permet tout : et si on faisait appel aux citoyens pour qu’ils produisent leur propre électricité ?

A côté de votre antenne de parabole, vous aurez des panneaux solaires, qui vous donneront de l’énergie gratuitement et allégeront la facture d’importation de pétrole…

Il ne faut pas rêver, c’est interdit au Maroc, le monopole de distribution d’électricité appartenant à l’ONE et à des distributeurs privés tels que la REDAL , LYDEC, AMENDIS, etc. Une mine d’or qui rapporte des milliards de dirham et dont ils n’ont pas envie de se priver. Si d’aventure vous faites comme moi, monter en cachette vos panneaux solaires à la terrasse, sachez que vous êtes dans l’illégalité totale ; par ailleurs l’état s’est déjà servi à la douane en les taxant à 20% pour la taxe douanières et à 20% pour la tva, soit 40% ; pour les autres accessoires, comme l’onduleur ou les batteries, les taxe peuvent atteindre 60%, de quoi dissuader le plus écologiste d’entre vous.

Pour nous, distributeurs et installateurs de pompes à énergie solaire, les taxes de l’état ont rendu nos produits très chers, ainsi que pour les petits paysans ; malgré cela, les ventes ont progressé surtout au début de l’année 2013. En avril 2013, le gouvernement annonce, dans la précipitation, qu’il va les subventionner jusqu’à hauteur de 50% ; tout le monde applaudit ‘’cette initiative généreuse’’ et les commandes affluent. Quand les paysans vont demander cette fameuse aide à la DPA, organisme censé la financer, cette dernière annonce n’avoir reçu aucune instruction de son ministère de tutelle. Comme d’habitude, c’est le flou total, les commandes passées par nos clients sont reportées afin de bénéficier de cette subvention, tout le monde attend, et les rumeurs circulent comme quoi il faut être pistonné pour que le dossier soit accepté par la DPA. Devant les protestations des paysans et des professionnels en date du 19.06.2013, une conférence de presse commune est organisée à Rabat par les ministres de l’Agriculture et de l’énergie et des mines afin, dit-on, ’’d’éclairer l’opinion publique sur les subventions en matière de pompes d’irrigation à l’énergie solaire.’’

Nous apprenons, au cours de cette conférence de presse et de la bouche du ministre de l’Energie et des Mines, enveloppé dans son costume 3 pièces, les bienfaits du pompage solaire, ‘’écologique, fiable, ne consommant pas de pétrole, générateur d’emploi », raisons pour lesquelles «  le gouvernement espère finaliser cette aide vers la fin de l’année. » Nous apprenons aussi qu’il y a du soleil au Maroc (merci pour le scoop) et que « nous recevons l’équivalent de 5 kWh par mètre carre », cette dernière citation étant destinée à ceux qui ont le bac +7 car nos paysans sont analphabètes à 90%.

En réalité, l’Etat n’a pas d’argent, et s’il y aura subvention, ce sera pour le budget de 2014. La question est donc : pourquoi avoir annoncé une année à l’avance que vous alliez subventionner l’achat de pompes à énergie solaire ?

Les conséquences d’une telle déclaration sont incalculables, on a du mal à imaginer les pertes engendrées par l’arrêt des projets de toute une nation pour une durée d’une année ; tous les investissements sont en stand-by en attendant le feu vert de la subvention : on a trouvé le moyen de stopper carrément une économie déjà boiteuse, alors que les gens achetaient avec leur argent.

A l’instar du monde arabe en hibernation, ici le temps n’a aucune importance, on fait du sur-place, on attend, comme l’a assez bien dit le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi : « il ne faut surtout pas rater l’heure du couscous le vendredi » (Tel Quel du 28.02.2012). En d’autres lieux où la devise est ‘’ time is money’’, le responsable d’un tel fiasco aurait été congédié.

Si d’aventure vous installez aujourd’hui votre pompe à énergie solaire, les textes sont clairs, vous n’aurez aucune aide, il faudra attendre l’année prochaine et la très fameuse double visite, avant et après installation, des inspecteurs de la DPA chargés de vérifier la réalisation, et autres lourdeurs administratives. Impossible de faire pire.

Cette prétendue subvention au “Maroc vert” est une pratique héritée des économies planifiées, digne de l’époque de l’Union Soviétique : on instaure des taxes douanières, exorbitantes, on y ajoute la TVA et on s’attribue le rôle de distributeur généreux de subventions avec une multitude de fonctionnaires, des dossiers, des attestations de tout genre, souvent sources de corruption : on met des bâtons dans les roues de ceux qui travaillent, Fidel Castro ne fait pas mieux. Aider le solaire et les agriculteurs ? C’est simple : supprimer les taxes en tout genre, permettre aux gens d’avoir leur générateur solaire sur le toit, que l’ONE achète le surplus qu’ils produisent et gardez vos subventions et fonctionnaires bureaucrates. C’est un vœu pieu qui va au-delà du fameux slogan, nous n’avons ni le pétrole ni les idées.

M’barek El Fadil

https://elfa-solaire.com

Maroc : le soleil, manne énergétique